Photograph[e]s, 
collection du Cnap
27 02 … 30 05 2010

 

Cette année, dans le cadre d’un partenariat avec le Centre national des arts plastiques (Cnap), plusieurs expositions temporaires du musée Nicéphore Niépce présenteront une sélection d’œuvres issues du fonds national d’art contemporain, la collection publique d’art contemporain la plus importante en France dont le Cnap assure la garde, la gestion et la diffusion en France et à l’étranger.
Pour cette première collaboration, le musée Nicéphore Niépce proposera une sélection autour de l’œuvre de femmes photographes contemporaines : Valérie Belin, Elaine Constantine, Sarah Jones, Marylène Negro et Annelies Strba.

"Des plans rapprochés et impitoyables dressent le tableau sévère d’objets et de gens inanimés. Dans ce qui semble un geste largement partagé depuis peu, les femmes photographes scénarisent par des moyens divers un monde où le mensonger exerce son empire. Par le recours à un modèle descriptif impassible, les sentiments et les états d’âme sont congédiés. Les situations photographiques ne se revendiquent plus du réel : rapport inutile à la démonstration. Cette génération d’artistes ne se sent pas de goût ni pour la topographie et la crudité statistique ni pour l’exaltation romantique. Ce à quoi on assiste désormais ressort d’une photographie débarrassée de toute psychologie simpliste. Les états d’âme des jeunes filles ont disparu, les accidents du couple sont oubliés. Nous ne sommes plus invités, malgré nous, dans des lits défaits, et dans des intérieurs qui n’attendaient qu’un peu de rangement…

Cette intimité, parfois racoleuse, souvent inconvenante, a fait place à des œuvres dont l’étrangeté semble être le dénominateur commun. Désormais, s’affirmer photographe et femme c’est vouloir s’attacher à aller au-delà des apparences. S’attacher à rechercher l’essence des choses, à piéger leurs reflets, à mesurer leur charge, commande que l’on refuse l’anecdote et l’accessoire.

Nous sommes en présence de multiples entre-deux. Les objets ont l’apparence des vivants et les sujets sont réifiés. Tout cela produit sur nous une tension inaccoutumée. De fait, la photographie accepte le malaise et en joue. Nous voilà piégés ; ces simulacres, objets et personnages, comme pétrifiés, nous contemplent. Distants et ailleurs, représentations désabusées de nous-mêmes, ils déconcertent. Photographies des surfaces et des reflets, leur présence, néfaste,  réfléchit les tristes modèles originaux, les postures et les fabrications de cette farce tragique. Ces portraits qui n’en sont pas, ces objets à la matière incertaine, tels des spectres de la réalité, impassiblement, nous toisent.

La photographie  a une dette envers les femmes. C’est à elles que l’on doit dans les années 1920 et 1930 de s’être emparées de ce nouvel instrument pour en faire un acte d’émancipation. Elles ont su l’inscrire dans le vent de la modernité pour mieux la porter. En immersion dans le monde réel, actives au studio et dans les magazines, pendant une dizaine d’années, leurs images ont accompagné toutes les luttes de libération. Ces exploratrices de la modernité ont poursuivi dans tous leurs recoins les spécificités de la machine et ont décrit le corps féminin dans tous ses détails.
Ce que l’on nous propose aujourd’hui est dans la veine des actes photographiques de ces femmes libres et indépendantes."

François Cheval