Jean-François Bauret :
percevoir, recevoir
prolongée jusqu'au 20.09.2020

 

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La reconstruction d’après-guerre, l’essor de la photographie publicitaire, les Trente Glorieuses, la « libération » sexuelle des années 1960 : lorsque Jean-François Bauret débute sa carrière à la fin des années 1950, tout est possible pour un jeune photographe autodidacte, enthousiaste, séducteur et très bien entouré. Fer de lance de la photographie publicitaire naissante, suractif, Jean-François Bauret incarne à sa manière un demi-siècle de la courte histoire de la photographie.
 
C’est à ce titre que le fonds Jean-François Bauret a rejoint les collections du musée Nicéphore Niépce en 2016. Après trois années d’inventaire, de numérisation et d’étude par les équipes du musée, rien ne vient contredire deux évidences : Jean-François Bauret est un photographe publicitaire et un photographe de mode prolixe et transgressif ; il est aussi un artiste et un portraitiste pleinement inscrit dans son époque. Les archives d’une ampleur et d’une diversité rares, montrent un photographe qu’on ne peut cantonner à deux coups d’éclat et à quelques séries.
L’exposition « Jean-François Bauret : percevoir, recevoir » propose une rétrospective de la carrière de l’artiste en près de quatre cent cinquante photographies. Pour la première fois, la sélection réalisée parmi les quatre cent mille phototypes du fonds, présentera une relecture conjointe de ses travaux de commande et de ses créations artistiques.

Sulfureux ? Subversif ?  Moderne ? Précurseur ?  Iconoclaste ? Complaisant ?  Exposer Jean-François Bauret  aujourd’hui est une gageure  car s’il fut un photographe  de son temps, il serait difficilement  concevable aujourd’hui de montrer  certains de ses nus s’ils nous  étaient contemporains, quand bien  même ce sont eux qui ont fait  son succès entre 1970 et 2000.
 
Jean-François Bauret, comme  tant d’autres photographes est  d’abord un artisan de la photographie.  Alors que le médium était  en pleine transformation, il a touché  à presque tous les genres. Il a su  conjuguer pratique professionnelle  et ambitions artistiques en mettant  en avant ces dernières au point  d’en avoir fait oublier le travail  de commande. Mais force  est de constater que ses travaux  personnels ne représentent  qu’une part infime du fonds. 
 
Ses premiers clichés sont  des portraits d’artistes tels  Bram van Velde, Pierre Alechinsky  ou André Lanskoy. Les peintres,  sculpteurs, musiciens photographiés  sont tous soutenus  par Jean Bauret, son père,  industriel lorrain du textile, mécène  et collectionneur. Ces portraits  intimes, décalés, sont souvent  réalisés dans l’atelier même  des artistes. Son regard attentif  et son sens de la narration liés  à sa maîtrise de la lumière rendent  ses portraits quasi intemporels.
 
Mais la carrière de Bauret débute  véritablement avec sa rencontre  avec l’architecte d’intérieur et  styliste, Andrée Putman. Elle lui  assure ses premières commandes  pour la revue L’OEil et les magasins  Prisunic. La renommée et  les réseaux aidants, les premières  commandes publicitaires vont  s’enchaîner. Aidé de son épouse,  Claude Bauret-Allard, peintre  et collectionneuse, à la fois  assistante et modèle, Jean-François  Bauret participe du renouveau  du genre. Les compositions,  inspirées par Claude, font mouche.  Le corps [souvent celui de Claude],  en contrejour ou flouté, a toute  sa place dès ces premiers travaux. La poésie des compositions attenue la froideur publicitaire d’articles aussi divers que produits de beauté, draps ou spaghettis…
 
Bauret devient rapidement un photographe établi, et gagne subitement en visibilité avec deux campagnes pour Publicis qui  marquent les esprits. Pour la campagne 1966-1967 de Sélimaille, spécialiste du sous-vêtement masculin, Bauret impose un homme nu. Pour celle de Materna du printemps 1970 il photographie une femme enceinte et une petite fille nues. Les réactions sont à la hauteur de l’audace, jamais auparavant un homme ou une femme enceinte n’avaient été montrés intégralement nus pour des motifs publicitaires. Les deux campagnes suscitent des réactions négatives et violentes. Elles incarnent le profond changement dans la publicité à la fin des années 1960, l’importance prise par la photographie, le nouvel usage de l’image du corps pour faire vendre. Elles installent Bauret comme un photographe subversif et provocateur.
 
On trouve dans ces deux campagnes la véritable obsession de Jean-François Bauret : le portrait nu.
 
 En studio, sur fond neutre, avec une lumière maitrisée, et des prises de vue frontales, le photographe propose un inventaire des corps. La « beauté » n’est pas un critère de choix, le corps est dévoilé sans artifice, meilleur moyen selon lui d’atteindre la psychologie du sujet. Jean-François Bauret apporte sa pierre au renouveau du portrait et du nu photographique, loin des poses académiques du XIXe siècle, des cadrages audacieux de la Nouvelle vision et de la sensualité trouble de certains de ses contemporains.
 
Alors que dès les années 1970, Bauret expose ses recherches personnelles et fait valoir ses travaux artistiques, jamais il n’abandonnera l’aspect besogneux de son activité.  En diffusant ses photographies via la Photothèque, en entretenant des liens privilégiés avec des grands titres de presse [Jour de France, Enfant Magazine, Télérama, Actuel, Jardin des Modes] ou des marques [New Baby, Air France], il fait preuve d’une volonté farouche à maintenir l’aspect le moins valorisant mais rentable de son activité photographique.
 
Il est évident que la photographe a marqué son époque. Il a beaucoup exposé [62 expositions monographiques et 57 collectives entre 1956 et 2008], partagé son savoir faire avec des amateurs lors de nombreux stages et workshops  [41 recensés entre 1982 et 2005] et constamment participé à accroître a visibilité du médium et à forgerle regard du public [création du site photographie.com dès 1996].

Ce taiseux qui se transforme en  pitre bavard et tendre dans le studio a laissé beaucoup de photographies mais peu d’écrits. Que cherchait  Jean-François Bauret ? Et même cherchait-il quoique ce soit ? La photographie fut-elle un métier pour lui ou un prétexte ? La profusion de sa production laisse une sensation d’inachevé, d’insatisfaction à capter, d’incapacité à apprivoiser comme il le voudrait cette nudité qui tiendrait du dernier abandon.

SB

> Commissariat :
Sylvain Besson, musée Nicéphore Niépce

> Monographie récente :
Jean-François Bauret
Editions Contrejour, 2018
ISBN : 9791090294325