André Steiner,
L'amour et la photographie
15 10 2011 … 22 01 2012

 
 

Explorant le champ de la « Nouvelle Vision » des années 1930, l’exposition présente soixante-seize photographies originales et personnelles d’André Steiner (1901-1978), majoritairement inédites. Ces images biographiques montrent une intimité idyllique avec son épouse Léa – dite Lily – et leur fille Nicole. Elles confirment que Steiner s’est saisi de la photographie de l’espace familial comme une opportunité et une tentative d’expression intellectuelle et artistique.

Juif hongrois, après un séjour de huit ans à Vienne, André Steiner débarque à Paris en compagnie de sa toute jeune femme Lily. Ingénieur de formation, il veut s’imposer comme photographe dans cette ville effervescente, foyer de toutes les avant-gardes.

Le regard étrangement fixe et absent, tout en lui, ses autoportraits en font foi, parait fort et décidé. Restant délibérément à l’écart de la communauté artistique magyare de Paris, il revendique la photographie comme un acte personnel et solitaire, et la considère comme une expérience indissociable de gestes techniques, de recherche scientifique et d’aventure esthétique. Il est "un technicien pour lequel toute photo est avant tout, une question de mesure et de précision [ "Les leaders du Leica : André Steiner", Le Leicaïste , 4e  série, n°4, 1951]". André Steiner s’est appliqué à épouser le rythme de son temps dans une foi en la science qui ne l’a jamais quitté.

Un temps qui, dans l’entre-deux guerres, plébiscite la vie en plein air, le camping, la culture physique, l’hygiène. Depuis la grande boucherie de 14-18, l’art, la politique et la médecine s’entendent pour promouvoir un corps harmonieux porté par la vogue de l’eau ou de la neige. Dans Art et Médecine, une revue au service de la photographie moderne, en novembre 1934, on affirme qu’il n’y a "pas de maître d’esthétique plus parfait que l’eau pour faire jouer les muscles et modeler les chairs". Le culte du corps est partout porté aux nues. Le magazine VU se fait le propagandiste de cette manière de vivre et fait souvent appel aux modèles d’André Steiner illustrant le sport, la danse, ce qui relèverait de l’élan vital.

Le corps, le nu, voilà ce qui fut la grande passion d’André Steiner, et pas seulement en photographie. Jeune homme, il pratiquait le sport à haut niveau. Les documents familiaux attestent de sa rencontre avec la jeune Léa, treize ans, au club de l’Hakoah, le cercle sportif juif de Vienne. André était un des entraîneurs de la prestigieuse section nautique à laquelle appartenait Léa. A voir les photographies de la jeune fille à Vienne et celles de Lily, la femme, à Paris, on mesure la métamorphose d’un corps et ce qui la sous-tend. André Steiner a sculpté son corps et contribué à modeler celui de sa femme. Il a fait de leurs personnes, de leurs anatomies, le sujet. Au début des années 1950, Steiner explicitera sa conception du nu et du modèle ["Nu", Le Leicaïste, 4e série, n°12, 1952]. Le nu est une fiction "suggérée par l’opérateur… La qualité primordiale d’un modèle est de se prêter comme un pantin désarticulé, de façon à remplir un volume parfois amputé par les ombres, parfois rehaussé par un excès de lumière…". Les nus avaient beau être une froide affirmation de ce que le monde devait être, les portraits de Lily, ramènent infailliblement à l’idée que l’on peut se faire du vrai bonheur.

André Steiner s’est emparé de son amour pour Lily au point qu’il n’a pu séparer, de 1927 jusqu’à leur rupture en 1939, la création du réel. Comme la plupart des photographes de la "Nouvelle Vision", tels Jean Moral avec Juliette ou Man Ray avec Lee Miller, Steiner a fait de sa compagne le modèle parfait.

 

Le musée Nicéphore Niépce et les Editions Le Bec en l’Air publient à l’occasion de l’exposition l’ouvrage : 
André Steiner "Ce qu’on n’a pas fini d’aimer",
textes de François Cheval et Arnaud Cathrine, 
144 pages, 100 photographies noir et blanc, 
ISBN : 978-2-916073-71-2
32 €