Raoul Coutard
Le même soleil, Indochine 1945-1954
16 10 2010 … 16 01 2011

 

Avant d’être le plus grand chef-opérateur de la Nouvelle Vague, Raoul Coutard fut photographe au sein de l’armée française.
Travailler dans l’urgence, à l’instinct, dans l’inconfort, Raoul Coutard l’a expérimenté en Indochine, pendant la guerre. Engagé volontaire à l’âge de 21 ans, en 1945, dans le Corps expéditionnaire français d’Extrême-Orient, attiré par les "zones blanches inexplorées" des cartes, il est rapidement affecté au service géographique où il demeurera jusqu’en 1948. Ému et séduit par cette région du monde, il y retourne entre 1950 et 1954. Il occupe successivement la fonction de reporter-militaire photographe, pour le compte du service cinématographique de l’armée française, puis devient directeur de la photographie de la revue Indochine Sud-Est Asiatique .

Là, en Indochine, Raoul Coutard ne pense pas encore au cinéma. Il aspire plutôt à publier pour le National Geographic . En marge des reportages imposés sur les opérations militaires, il lui arrive, pour le compte de l’École française d’Extrême-Orient, d’accompagner des ethnologues dans leurs expéditions. Équipé d’un Rolleiflex, de deux Leica, et d’une caméra super 8, il choisit de les charger de pellicules couleurs, chose rare à l’époque. Il rend compte de la diversité ethnique primitive du Laos, du Vietnam, du Cambodge, encore méconnue des occidentaux, aux côtés d’ethnologues tels que Charles Archaimbault, Henri Deydier ou Jean Boulbet. Fasciné par la beauté des corps et des visages, des paysages et de la lumière, il pose un regard sensuel sur les minorités et leurs traditions.

Entre une exploration à la Joseph Conrad et des scènes dignes d’Apocalypse Now de Francis Ford Coppola, les images originales de Raoul Coutard composent un récit exceptionnel rarement exposé. Son écriture photographique, transformée par la couleur et portée par la rigueur d’un propos ethnologique – qui sert aujourd’hui notre compréhension –, trouve pourtant une expression personnelle qui préfigure avec force son travail pour le septième art.

Le musée Nicéphore Niépce s’est emparé avec enthousiasme de ce travail photographique rare, personnel, subtil et humain. L’exposition replace ces images dans leur contexte et réfléchit à leur statut quelque soixante années après leurs prises de vue.

Raoul Coutard, en présence des "minorités", les regarde et nous transmet les dernières traces de groupes humains encore prémunis du virus de la modernité. Il n’y a rien de terrible, d’horrifique dans le sacrifice du buffle, si ce n’est l’hommage à la puissance et à la force. Il n’y a rien d’offensant à la vue, dans ces nudités nubiles qui nous renvoient les images préservées d’un état de nature. Des images d’avant la catastrophe.

C’est de tout cela dont Raoul Coutard rend compte, des ethnies à l’écart du bruit de la guerre, de gens naturellement beaux qui nous renvoient, nous occidentaux, à nos imperfections, nos échecs et nos choix douteux.

Le musée Nicéphore Niépce et les Éditions Le Bec en l’Air publient à l’occasion de l’exposition l’ouvrage :
Raoul Coutard
Le même Soleil, Indochine [1945-1954]
176 pages
Introduction par François Cheval
ISBN : 978-2-916073-60-6
31,90 €