Yannick Cormier
Tierra Magica
12.02 ... 22.05.2022
prolongée jusqu'au 29.05.2022
vernissage : vendredi 11 février à 19h

Télécharger le dossier de presse

C’est comme dans un cauchemar fiévreux. Comme dans un rêve étrange. Dans la brume au petit matin, il semble que des arbres prennent forme humaine, que des buissons surgissent sur deux jambes et fendent l’air dans une marche déterminée, que les tissus humains deviennent écorce, ou bien l’inverse. Ailleurs, des êtres cornus, recouverts de peaux animales, de plumes, parfois de sang, masqués de figures grimaçantes, forment une cohorte à laquelle on se mêle avec crainte, avec fascination, ou encore avec enthousiasme. Parfois ces créatures surgies d’un passé lointain tyrannisent les passants, simulent l’enlèvement de jeunes femmes, ou feignent de s’affronter entre elles. Parfois elles se laissent pourchasser, sont malmenées par la foule puis jugées par un tribunal dont le verdict tombe sans surprise : à la tombée du jour, elles disparaitront dans un feu de joie.
 
Le photographe Yannick Cormier s’immerge dans les rites carnavalesques du Nord-Ouest de l’Espagne et du Portugal d’une manière qui lui est tout à fait propre : pas de protocole établi, d’idée préconçue, de prétention esthétisante ou de volonté d’inventaire. D’autres l’ont fait bien avant lui en photographie. Les anthropologues du XIXe siècle fixent avec systématisme la face et le profil, inventoriant les masques, parures et costumes, et réduisent ainsi au folklore les rites ancestraux. Bien plus récemment, des répertoires photographiques aussi méticuleux que spectaculaires, dressés avec méthode et rigueur technique, font ressurgir ces figures dans le présent de manière presque anachronique.
 
Mais les images dont il est question ici sont faites pour aller au-delà, à la frontière du visible et de l’invisible, des peurs et des espérances, des croyances païennes et religieuses. Des photographies indociles, mouvementées et transgressives, empreintes de la pulsation de la foule, révélatrices des forces vitales à l’origine du carnaval. Avec elles, Yannick Cormier entraine le spectateur dans le tumulte et l’étrangeté de ces fêtes, qui ont toutes pour point commun de jalonner le temps, de transgresser l’ordre établi, et de rappeler à la société son lien intangible avec la nature. Les saisons se succèdent, la vie renait perpétuellement. La mort, aussi tragique qu’elle soit, en est une des composantes. Le photographe entremêle ces défilés de personnages, telles des visions fantastiques, à des paysages archétypaux. Des forêts qui pourraient en être les matrices, les ventres, mais aussi les lieux où ces créatures inquiétantes se fondraient pour disparaître.
 
Interdites par le régime franquiste en 1937, car propices aux désordres et à la rébellion, ces festivités ne furent jamais officiellement réhabilitées depuis. Elles prennent alors un caractère de résistance politique et culturelle. Restées vivaces, elles deviennent aujourd’hui, par le hasard des évènements, synonymes d’une nouvelle insoumission. Celle d’individus mués par le désir de ne faire qu’un seul corps, de fêter, de s’ébattre dans la foule au plus près les uns des autres, dans un lâcher prise salvateur.
 
 Biographie :
 
Yannick Cormier est né en 1975 en France. En 1999 il rejoint le studio Astre à Paris. Pendant cette période, il travaille en tant qu’assistant de Patrick Swirc, William Klein et bien d’autres pour des magazines tels que Vogue, Flair, Elle, Vanity Fair. Puis il entame une carrière de photographe documentaire et ses images sont diffusées dans des médias français et internationaux tels Libération, Le Nouvel Observateur, Courrier international, The Guardian, The Hindu, CNN...
 
Installé en Inde entre 2003 et 2018, il poursuit ses recherches photographiques tout en développant de nouvelles activités. En 2007, il fonde ainsi Trikaya Photos Agency, basée à Chennai [Tamil Nadu]. Cette agence est conçue comme une plateforme collaborative de photographes établis en Inde, ayant pour préoccupation commune les questions politiques, sociales, culturelles d’une société se métamorphosant perpétuellement sous leurs yeux. Entre 2011 et 2016, Yannick Cormier est également commissaire d’expositions pour les festivals Chennai Photo Biennale et Pondy Photo [Pondichéry]. Fasciné par une culture qu’il découvre au long cours, le photographe se consacre pendant toute cette période au vaste projet de documenter les rites, célébrations, fêtes dravidiennes [du sanskrit « drâvida », qui désigne les peuples occupant le sud de l’Inde]. « Au Tamil Nadu, dans le sud de l’Inde, les traditions les plus lointaines et les plus anciennes sont restées intactes plus que nulle part ailleurs. Les puissantes présences des esprits et des dieux vivants s’incarnent sous les masques, dans les corps qui s’abandonnent au moment du rite et dans les dépouilles animales lors des sacrifices. Des personnages dont on ne sait plus s’ils sont des hommes, des dieux ou des esprits, surgissent dans leur évidence, réels et divins, naturels et surnaturels. Des hommes et des femmes en transe s’enfoncent dans les ténèbres en pleine lumière… ». Cette immersion donne finalement lieu à une photographie suggestive plus que descriptive, laissant une grande place aux sensations éprouvées par l’auteur, entre fascination, stupeur et exaltation. Ce travail est publié en 2021 sous le titre Dravidian  Catharsis , aux éditions Le Mulet.
 
L’intérêt de Yannick Cormier pour les liesses populaires, les traditions anciennes et la persistance de rituels archaïques trouve à son retour en Europe un nouveau terrain d’expression. C’est à travers des expériences carnavalesques vécues au Nord-Ouest de l’Espagne et au Portugal que son attirance pour ces formes de résistances à l’uniformisation du monde moderne va à nouveau se révéler. Tout comme son sujet, à mi-chemin entre sacré et profane, mysticisme et paganisme, l’auteur va explorer ces festivités et en livrer une vision entre fiction et réalité, dans l’ouvrage Tierra Magica publié en 2021 aux éditions Light Motiv. C’est sous le titre Pagan Poem  qu’il poursuit actuellement ses recherches sur les frontières entre le réel et le spirituel.
 
 Commissariat :
 Anne-Céline, musée Nicéphore Niépce
 
Les tirages de l’exposition ont été réalisés par le laboratoire du musée Nicéphore Niépce sur papier canson Infiinity Baryta Prestige 340 g.
Le musée tient à remercier Canson et la société des Amis du musée Nicéphore Niépce
 
Samedi 12 février :  
- 15h : visite commentée par le photographe
- 16h30 : signature du livre Tierra Magica