L'accroche-coeur
voyages dans la collection
de Nathalie Casabo-Emprin
23 février ... 21 mai 2023
Inauguration : mercredi 22 février à 18h30

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Jusqu’au milieu des années 1980, la reconnaissance des photographes comme artistes à part entière et l’émancipation de la photographie de ses caractères documentaires ou techniques ne sont pas acquis. Quelques précurseurs institutionnels posent pourtant les premières bases : le musée français de la Photographie de Bièvres est fondé en 1964, le musée Réattu à Arles qui inaugure un département photographie en 1965, la Bibliothèque Nationale crée un département dédié à la photographie sous l’égide de Jean-Claude Lemagny en 1968 et le musée Nicéphore Niépce, créé en 1972, ouvre ses portes au public en décembre 1974. De son côté, le marché se met timidement en place avec quelques galeries dédiées [notamment Agathe Gaillard en 1975, Baudoin  Lebon en 1976, Studio 666 en 1980 ou Le Réverbère en 1981]. Certains photographes sont eux-mêmes à l’initiative de cette reconnaissance : Jean-Pierre Sudre organise au sein de la galerie La Demeure  des expositions qui confrontent auteurs contemporains et maîtres du passé [« Sieff / Bayard », décembre 1968 ; « Dieuzaide / Talbot » en 1971 par exemple] ; Jean Dieuzaide ouvre la Galerie du Château d’Eau en 1974.
 
 Au début des années 1990, la situation a déjà considérablement évolué. Le Mois de la Photo à Paris propose depuis 1980 des expositions traduisant la diversité du médium et des approches, expositions complétées par des catalogues, des colloques, des rencontres-débats, etc., contribuant à augmenter la visibilité de la photographie. La naissance du Centre National de la Photographie en 1982 entérine la promotion par l’État de la création photographique contemporaine française. La demande du public d’ailleurs est forte, soutenue par des initiatives comme celle de la FNAC qui ouvre ses galeries photos en 1969 et commercialise avec force conseils du matériel photographique désormais accessible à tous ; les expositions présentées dans les galeries FNAC sont également accompagnées de rencontres et de débats.
 
 De fait, une nouvelle génération de photographes émerge, soutenue par les institutions, les critiques, le marché. Des débats esthétiques inédits s’imposent et le sacrosaint 30 x 40 noir et blanc cher aux humanistes est supplanté par de grands tableaux photographiques en couleurs. Des artistes contemporains s’emparent du médium photographique et les expérimentations se multiplient tandis que de nouvelles revues voient le jour tentant de rendre compte de cette multiplication des approches [Photo , Zoom , Contrejour , Camera International , Photographie Nouvelle , etc.].
 
 Au cœur de ce foisonnement photographique des années 1980, Nathalie Casabo-Emprin [NCE] expose en 1988 le collectif Noir Limite qui vient d’être censuré à Bourges à la galerie Suzel Berna  [installée à Antibes depuis 1982 et spécialisée dans la sculpture verre et la peinture]. S’ensuit en 1989 « Les trois maîtres de l’étrange », confrontant les photographies de Ralph Gibson, Eikoh Hosoé et Arno Minkkinen et les sculptures en verre de l’américain Dale Chihuly. Le succès de ce « dialogue » entre photographies et sculptures verre, toutes deux façonnées par la lumière, convainc la galerie  de se lancer et explorer cette nouvelle forme. NCE intègre la galerie et la photographie la galerie et la photographie y prend pleinement place.
 
 Pionnières en ce domaine,Suzel Berna et NCE présentent systématiquement en duo ou en collectif les sculptures en verre et les photographies d’artistes internationaux. Stimulés par cette approche, artistes et publics encouragent la galerie à ouvrir un espace parisien en 1990. Une vingtaine d’expositions souvent accompagnées de débats, conférences – animées par des philosophes [Robert Pujade], historiens [Hervé Le Goff], conservateurs [Jean-Claude Lemagny], journa-listes [Jean-Christian Fleury] – et signatures de livres [Michel Tournier/Arno Minkkinen] auront lieu jusqu’en 1995.
 
 Dès 1991, NCE organise des expositions à l’extérieur et devient l’agent d’Arno Minkkinen et de plusieurs photographes. Commencent alors des projets plus ambitieux comme la réalisation du livre [Marval-Aperture, Prix des Rencontres d’Arles 1994] et de la rétrospective Waterline  [20 ans d’autoportraits de Minkkinen] présentée au Pori Art Museum en Finlande, au Musée de l’Élysée de Lausanne, aux Rencontres d’Arles en diaporama, et à la galerie avec la signature du livre par Michel Tournier. Le développement de ces activités l’amène à quitter la galerie Suzel  Berna et à créer sa propre structure
 en 1995 : NCE Photographie Contemporaine . Dès lors, NCE  adapte son fonctionnement :  elle n’offrira plus seulement un lieu  d’exposition mais sera également  agente et productrice d’expositions  aux thèmes souvent audacieux  et qui nourrissent la créativité  des photographes. À la fois agence  donc mais aussi galerie itinérante  et proposant à la location  des expositions monographiques  ou collectives « clés en main »,  la structure fait montre d’un engagement  en faveur des photographes  peu commun pour l’époque.
 
  Exposer c’est choisir et les choix de NCE peuvent parfois sembler des coups de coeur plus qu’une ligne éditoriale, tant le profil des auteurs semble a priori  hétérogène. Or bien au contraire, une fois confrontés entre eux, se dégagent des différents corpus, une vraie cohérence et une vraie ligne directrice. NCE Photographie  Contemporaine fait le choix d’une approche peu orthodoxe : alors que la mode est au renouveau de la photographie française, aux changements de format, à la couleur, NCE défend une photographie souvent engagée, sans frontières et sans tabou. C’est ainsi qu’elle expose dès 1990, The Sisters of Perpetual Indulgence  de Jean-Baptiste Carhaix, Persona  Grata et Ignudi , nus masculins de Lenni Van Dinther, le TB-AIDS  Diary de l’américaine Linda Troeller, les travaux de Philippe Hédan [mort du Sida peu après son exposition au Musée Réattu] et « Sida&prévention » invitant 30 artistes internationaux à créer une œuvre sur ce thème en 1993. Elle s’attache à faire connaître la photographie finlandaise au public français, en initiant la première rétrospective de la photographie finlandaise au Mois de la Photo à Nice, « Finnice », en 1991, en créant l’exposition « Vents du Nord, 6 regards finlandais sur la terre – l’homme – la matière » pour le mois de la photo à Talant en 1995, et « Une histoire finlandaise » pour le centre photographique de Rouen en 1997.
 
 NCE promeut aussi la photographie française à l’étranger. En 1996, l’exposition « Suds » rassemblant huit jeunes auteurs français est présentée à la Fondation italienne de la Photographie à Turin après avoir été inaugurée au Musée de la Photographie d’Helsinki en Finlande avec lequel NCE collaborera à plusieurs reprises. « Un alphabet intime », réunissant les œuvres de Boubat, Clergue et Dieuzaide, est exposé à la Galerie Otso en partenariat avec le centre culturel français d’Helsinki. Agent de nombreux photographes étrangers et de jeunes auteurs français, NCE collabore avec des institutions mais aussi des galeries européennes et des maisons d’édition. La production de l’exposition et du livre Alemeshaye et autres histoires  de femmes de Shanta Rao, lauréate du European Publishers Award  for Photography 1995 [Éd. Braus, Stichting Fragment Foto, Lunwerg Editores, Dewi Lewis Publishing, Marval, Peliti Associati] en est un exemple. Mais être agent engage et contraint : la galerie défend, soutient et encourage alors la personne, son travail et ses œuvres. Pérenniser une telle structure, indépendante, avec autant d’artistes, sans mécènes, sans subventions, et sans céder aux diktats de la mode, était sans doute utopique ou trop ambitieux ;
 
  L’aventure s’achève en 2002 aprèsl’exposition « Les Métamorphoses » en 2001 à Paris. Une grande partie du fonds de NCE Photographie contemporaine y est présentée et plusieurs personnalités [Anne Sanciaud, Jean-Claude Lemagny, Gérard Haddad, psychanalyste et écrivain, le photographe Bogdan Konopka, les journalistes Armelle Canitrot, Yan Le Goff, Jeanne Fouchet...] viennent parler des œuvres de leurs choix, rendant ainsi une dernière fois hommage à la galerie et à sa collection.
 
 Force est de constater que peu nombreuses sont les galeries dédiées à la photographie créées dans les années 1980 connues du grand public ayant encore pignon sur rue aujourd’hui. Appartenant à la deuxième vague des galeries consacrées spécifiquement à la photographie, NCE s’est affichée comme défricheuse alors que le marché était encore balbutiant [la foire Paris-Photo n’existe que depuis 1997].
 
 L’exposition « L’accroche-coeur » nous invite à voyager dans l’activité de la galerie Suzel Berna / NCE Photographie Contemporaine, de 1989 au début des années 2000. Elle raconte une épopée, une histoire de la photographie en train de s’écrire et de s’inscrire progressivement dans le marché de l’art, dans une fin de siècle en pleine mutation avec l’avènement du numérique qui se profile. 

 « L’accroche-coeur », Voyages  dans la collection de Nathalie  Casabo-Emprin s’organise comme une balade poétique à travers les principales expositions collectives ou personnelles. Autant de projets qui rendent compte de la richesse des techniques photographiques employées par les photographes de cette époque [gommes bichromates, tirages au palladium, polaroids transferts, etc.], et de la diversité des approches artistiques pour questionner le monde.
 
 Artistes associés /

 > Les trois maîtres de l’étrange :
 Ralph Gibson,
 Eikoh Hosoe,
 Arno Minkkinen.
 
 > Vents du Nord / Une histoire finlandaise / Finnice :
 Stefan Bremer,
 Ulla Jokisalo,
 Timo Kelaranta,
 Harri Larjosto,
 Arno Rafael
 Minkkinen,
 Jyrki Parantainen,
 Jorma Puranen,
 Pentti Sammallahti.
 
 > Nus masculins / Visions au féminin :
 Emmanuelle Barbaras,
 Shanta Rao,
 Nadine Wergifosse,
 Lenni Van Dinther.
 
 > Un alphabet intime :
 Édouard Boubat,
 Lucien Clergue,
 Jean Dieuzaide.
 
 > Sida&prévention :
 Vasco Ascolini,
 Emmanuelle Barbaras,
 Jean-Baptiste Carhaix,
 Franco Fontana,
 Thierry Géraud,
 Ralph Gibson,
 Michael Von Graffenried,
 Timo Kelaranta,
 Arno Minkkinen,
 Linda Troeller,
 Valérie Winckler.
 
 > H 2 O :
 Kristof Albrecht,
 Carmelo Bongiorno,
 Eric Bourret,
 Edouard Boubat,
 Christophe Bourguedieu,
 Lucien Clergue,
 Jean Dieuzaide,
 Connie Imboden,
 Bogdan Konopka,
 Tuija Lindström,
 Peter Maurer,
 Arno Minkkinen,
 Jyrki Parantainen,
 Jorma Puranen,
 Shanta Rao,
 Pentti Sammallahti,
 Patrick Toth,
 Linda Troeller,
 Lenni Van Dinther.
 
 > Suds :
 Emmanuelle Barbaras,
 Didier Ben Loulou,
 Christophe Bourguedieu,
 Frances Dal Chele,
 Anne Delassus,
 Yann De Fareins,
 Thierry Géraud,
 Shanta Rao.
 
 > Accrochage libre :
 Vasco Ascolini,
 Jean-Claude Bélégou,
 Carmelo Bongiorno,
 Toni Catany,
 Jean-Baptiste Carhaix,
 Florence Chevallier,
 Barbara Crane,
 Frances Dal Chele,
 Jean Dieuzaide,
 Thierry Géraud,
 Philippe Hédan,
 Timo Kelaranta,
 Ralph Louzon,
 Tuija Lindström,
 Peter Maurer,
 Olivier Pasquier,
 Michel Semeniako,
 Yves Trémorin,
 Lenni Van Dinther.