Ricardo Cases,
Estudio elemental del Levante
15.06 ... 22.09.2019

 

Vernissage vendredi 14 juin à 19h
Visite de l'exposition avec le photographe samedi 15 juin à 15h

Ricardo Cases est un photographe espagnol né en 1971 à Orihuela [ville située au pied d’Alicante sur la côte méditerranéenne]. D’abord photojournaliste, il devient dans les années 2000 l’un des fers de lance du renouveau de la photographie contemporaine espagnole, notamment au sein du collectif Blank Paper. Il est lancé sur la scène internationale grâce à son livre Paloma al aire, publié en 2011. Le livre relate les activités de colombophiles dans la région de Valence participant à une course locale inhabituelle : les oiseaux mâles étant peints de toutes les couleurs.
 
  L’exposition « Estudio elemental del Levante » [Étude élémentaire du Levante] est la première grande exposition monographique du photographe. Présentée une première fois à Madrid en juillet 2018, elle propose une rétrospective de 5 séries réalisées par le photographe dans le Levante — la côte méditerranéenne espagnole — pendant plus de huit années de travail. Ricardo Cases s’intéresse à son environnement, mais il ne s’en tient pas qu’à la fonction documentaire, qu’au fait enregistré. Il explore toutes les possibilités sémantiques de l’image. Lumière aveuglante, couleurs explosives, objets dégradés, personnages décadents, il dévoile la singularité visuelle de ce « pays indiscipliné, fascinant et hallucinogène ». Au premier abord, très ludiques, les photographies de Ricardo Cases permettent de dépasser les stéréotypes, d’obtenir des clés de lecture et de pointer les travers de ce territoire. Conçue à propos d’une géographie restreinte, ces images ont pourtant une résonance universelle : mutations des territoires, nostalgie, respect des richesses et des traditions locales.
 
 Dès ses débuts, l’œuvre de Ricardo Cases s’est distinguée par son radicalisme, sa vitalité et un sens de l’humour hors du commun, adoptant une approche anthropologique, mais non sans tendresse, de ses sujets, tous archétypes involontaires de l’Espagne. Se fiant à son intuition, le photographe a peaufiné son processus créatif et continué à se dépasser en saisissant des vérités qu’il mettra ensuite des mois à élucider. Ses œuvres récentes vont encore plus loin et déploient un langage plus sophistiqué, reflétant la prise de risque croissante de l’artiste, tout en conservant un côté ludique propre à susciter notre émerveillement. Ces images témoignent de son engouement pour la photographie et pour la vie en général, qu’il considère toutes deux comme un jeu. Tout  au long de sa carrière, sa fascination critique mais sincère pour l’esprit de la péninsule ibérique a donné naissance, depuis le laboratoire grandeur nature des vergers valenciens, à un répertoire complexe permettant de mieux cerner l’Espagne et le tempérament espagnol.
 
Cette exposition est la première occasion de présenter un échantillon vaste et homogène de l’œuvre de Ricardo Cases hors d’Espagne. Composée de cinq séries : Paloma al aire [Pigeons en vol], Podría haberse evitado [On aurait pu éviter ça], Estudio elemental del Levante [Étude élémentaire du Levante], Sol [Soleil] et El porqué de las naranjas [Le pourquoi des oranges], cette rétrospective constitue un ensemble puissant et symbolique qui dépeint la région du Levante comme un univers bariolé et sauvage où règnent l’anarchie et la confusion, mais qui n’en reste pas moins facilement reconnaissable par n’importe quel spectateur espagnol. En route pour ce déconcertant pays des merveilles…
 
Paloma al aire
2011
Voici les règles du jeu : on lâche un pigeon femelle et des douzaines de pigeons mâles s’envolent dans son sillage pour tenter d’attirer son attention. Aucun des volatiles mâles n’arrivera complètement à ses fins, mais peu importe, car le vainqueur est celui qui passera le plus de temps en vol aux côtés de la femelle. Pour gagner, nul besoin d’être le plus musclé, le plus costaud, ou de descendre d’une lignée prestigieuse. Le gagnant est celui qui fait preuve de plus de galanterie, de constance que les autres et d’un instinct reproducteur sans égal. En d’autres termes : un macho. À l’échelle intimiste d’un passe-temps rural et relativement marginal, l’élevage de pigeons pour la compétition nous offre ici des images où se mêlent espoir et désir. Sorties de leur contexte, elles tendent à une portée universelle. Un homme lève les yeux vers le ciel, le regard rivé sur son pigeon en vol, tel un projectile dont sa vie dépendrait : son défi, sa dernière balle, son billet de loterie.
 
Estudio elemental del Levante
2018
Révéler l’infestation au grand jour. Comme dans les tableaux de Jérôme Bosch, il n’y a pas de rémission sans confession des péchés. Depuis quand le Levante est il tombé en enfer ? Au travers de l’étrange triangle formé par le palmier, la fanfare municipale et le charançon ravageur des palmeraies, se dessine la carte mentale de l’Espagne contemporaine, frappée de plein fouet par une crise systémique dans un crissement de tôle froissée. Une symphonie dissonante se joue sous nos yeux. Les images retentissent des hurlements stridents du métal, comme une ultime mise en garde.
 
Podría haberse evitado
2015
Une tragédie méridionale vient de se dérouler sous nos yeux. Le cadavre a sûrement déjà été caché quelque part. Et qui viendra l’y chercher ? Nous sommes sans doute arrivés trop tard Lorsque le doute s’installe et que la confiance est ébranlée, on se méfie de tout, tout le temps. Pour le détective, tout espace public peut dissimuler un acte clandestin, un plan secret, un cadavre dans le placard. Il incombe désormais aux citoyens d’enregistrer tout ce qui les entoure. Pourtant, ces images ne prouvent rien. Car le soupçon ne vient jamais seul, il s’accompagne souvent d’une déformation de la réalité. Cette photo est peut-être un montage, une tromperie de plus. Lorsque notre confiance est mise à rude épreuve, tout paraît suspect, propre à susciter la paranoïa. Les coupables vont-ils, cette fois encore, s’en tirer à bon compte ?
 
Sol
2017
Je suis né sur une planète dominée par une étoile trop proche pour ne pas être inquiétante. Une énorme boule de feu, que je n’ose regarder à l’œil nu, écrase mon ciel. Ma rétine calcinée emmagasine des images gravées, strate après strate, un palimpseste de toutes les choses que j’ai vues et qui m’ont touchées. Mes terres brûlées par le soleil sont arides et désertiques. Je me suis habitué à sentir son souffle chaud sur mon cou quand je baisse la tête. Je suis seul dans mon désert, seul avec mes fossiles de lumière et mon étoile qui consume, stérilise et assassine.
 
El porqué de las naranjas
2014
Parfois la réalité dévoile ses entrailles en des moments éphémères qui passent inaperçus. Lorsque notre perception de la surface des choses ne suffit plus à expliquer notre présent il s’agit d’aiguiser nos sens afin de reconnaître ces infimes signaux. Qu’est ce que l’être humain ? Que signifie « être espagnol » ? Y a-t-il une solution, un salut ? Dans les vergers valenciens, ce laboratoire grandeur nature de l’Espagne contemporaine, la vie abat parfois son jeu et, non contente de nous dépouiller, elle nous tourne en ridicule. Ces images reflètent ce que le photographe a pu entrevoir dans ces cartes.

Commissaire /  Horacio Fernández
Texte /  Luis López Navarro
Scénographie / Anne-Céline Borey, Emmanuelle Vieillard, musée Nicéphore Niépce
Design graphique /  Le Petit Didier
Encadrement / Ros Marcos
Impression numérique /  La Troupe
Production muséographique / Martínez & Martínez
Traduction /  David González-Iglesias et Catherine Kellogg
Production / Direction générale de la promotion culturelle de la Communauté de Madrid