Daido Moriyama
Un jour d'été
20.10.2018 ... 20.01.2019

Exposition à l’initiative du musée Nicéphore Niépce, Ville de Chalon-sur-Saône, réalisée en collaboration avec la Daido Moriyama Photo Foundation et les galeries Akio Nagasawa (Tokyo) et Jean-Kenta Gauthier (Paris), grâce au mécénat de l’office notarial Gacon-Cartier et Camuset de Chalon-sur-Saône, avec le soutien de la DRAC Bourgogne Franche-Comté et de la Japan Foundation.
 
Daido Moriyama (né au Japon en 1938) est une figure majeure de la photographie contemporaine. Ses clichés contrastés à l’extrême, granuleux, recadrés, flous, ont donné naissance à une nouvelle pratique de la photographie et inspiré une génération d’artistes.
 
Daido Moriyama ancre sa pratique artistique dans les travaux de Nicéphore Niépce et les racines de la photographie. Chez lui, au Japon, un agrandissement du Point de vue du Gras est accroché au dessus de son lit, afin de pouvoir l’observer chaque jour. Cette dévotion de l’artiste pour la première photographie au monde l’a conduit, au fil de sa carrière, à réaliser des travaux sur les traces de l’inventeur ; de Tokyo à Chalon-sur-Saône et Saint-Loup-de-Varennes, jusqu’à Austin au Texas.
 
Dans les années 1980, au Japon, au gré de son errance, Daido Moriyama saisit des instantanés. Le contexte n’est pour lui qu’un prétexte. Il enregistre dans l’espace public autour de chez lui, ce qu’il perçoit du présent et du réel, nourri de la mémoire de l’image originelle. « Ce tableau filtré par la lumière, ces arabesques de clair-obscur, ont pénétré jusqu’au plus profond de ma mémoire, comme si je les avais vus de mes propres yeux, un jour d’été. Ce paysage exposé au soleil, qui a bien existé à cet endroit-là et à ce moment-là, ressuscite pourtant subitement, éveillant en moi de nombreux souvenirs à chaque fois que je pose mon doigt sur le déclencheur. »
Il publie en 1990 une sélection de ces photographies dans le livre « Lettre à St Loup », comme une lettre à travers le temps et l’espace à l’attention de Nicéphore Niépce. Pendant le travail éditorial, l’envie naît de se rendre sur les lieux de vie de l’inventeur ; pour « ressentir les lumières et les ombres et s’imprégner de l’énergie du berceau de la photographie ».
Daido Moriyama concrétise ce second travail bien plus tard, en 2008. Il explore les lieux fréquentés par Niépce dont l’endroit exact de la première prise de vue dans la série « View from the Laboratory ». Enfin, il profite d’un voyage aux États-Unis en 2015 pour voir de ses propres yeux et photographier Le Point  de vue du Gras original conservé au Texas.

L’exposition « Daido Moriyama, Un jour d’été » est inédite. Elle présente ce corpus d’une centaine de photographies réunies pour la première fois. Elle est exceptionnelle car elle rassemble ce travail au plus près des artefacts de Niépce, dans le musée qui porte son nom.
 
1816, Nicéphore Niépce débute ses expériences sur la photographie. Son but : fixer, à l’aide de la lumière, les images qui se forment dans la chambre noire. Dans une lettre datée du 5 mai qu’il adresse à son frère, il décrit les prémices de l’image mécanique : « Je plaçai l’appareil dans la chambre où je travaille ; […] et je vis sur le papier blanc toute la partie de la voliere qui pouvait être appercue de la fenêtre, et une légère image des croisées qui se trouvaient moins éclairées que les objets extérieurs. […] Ceci n’est qu’un essai encore bien imparfait […] mais avec du travail et beaucoup de patience on peut y faire bien des choses. Ce que tu avais prévu est arrivé, le fond du tableau est noir, et les objets sont blancs, […] au reste il ne serait peut être pas impossible de changer cette disposition de couleurs. (sic) »
En 1827, de cette même fenêtre, Nicéphore Niépce réalise Le Point de vue du Gras , aujourd’hui considéré comme la plus ancienne photographie conservée. Elle consiste en une plaque d’étain sur laquelle il a réussi à « enregistrer » le paysage vu de sa maison à Saint-Loup-de-Varennes, aux environs de Chalon-sur-Saône.
 
Né près d’Osaka en 1938, Daido Moriyama apprend la photographie après avoir étudié le graphisme. Il s’installe au début des années 1960 à Tokyo. D’abord assistant de grands photographes comme Shomei Tomatsu ou Eikoh Hosoe, il devient à la fin de la décennie l’un des chefs de file du mouvement avant-gardiste Provoke ; du nom de la revue photographique qui concentrait le meilleur de la photographie contemporaine au Japon. Sa monographie Japan a Photo Theater éditée en 1968 lui vaut une notoriété immédiate. Elle sera la première d’une production très prolifique de livres (près de 200 à ce jour). Ses clichés noir et blanc, très contrastés et grenus, non datés, non légendés, à la technique non conformiste, ses éditions graphiques, sans texte, et ses installations immersives, marquent le monde de la photographie. Il invente un nouveau langage qui renouvelle la photographie de rue.
 
Le travail de Nicéphore Niépce et l’œuvre de Daido Moriyama semblent à première vue très éloignés. Mais lorsque l’on observe attentivement les photographies ou que l’on se plonge dans les textes de l’artiste, l’influence est évidente.
Le Point de vue du Gras de Nicéphore Niépce constitue une vue personnelle saisie du monde extérieur. Il est marqué par l’enregistrement spécifique de la lumière lié au temps (il a fallu à Nicéphore Niépce plus de huit heures de pose pour le réaliser). Au premier regard, ce paysage photographique semble énigmatique, particulièrement à la vue de sa reproduction noir et blanc longtemps restée seule image diffusée dans les livres d’histoire de la photographie. Il est flou, avec beaucoup de grains, composé de zones d’ombre et de lumière très tranchées. Autant de qualificatifs qui pourraient être attribués à la photographie de Daido Moriyama. Au-delà de ce rapprochement formel, les démarches de l’inventeur et de l’artiste sont comparables. L’un des grands principes moteur de la découverte de Nicéphore Niépce était la reproduction et la diffusion de l’image. Daido Moriyama, attache une grande importance à l’édition. L‘image imprimée, multiple, prédomine dans sa conception de la photographie.
 
Depuis le début de sa carrière, Daido Moriyama n’a cessé d’être hanté par la première photographie de Nicéphore Niépce. « À chaque fois que je pose les yeux sur cette photographie, elle me parle. Elle me rappelle doucement, chaque jour, qu’il ne faut pas oublier les origines, l’essence de la photographie, et l’existence de l’ombre et de la lumière » écrit-il. Dans l’un de ces textes autobiographiques Memories of a Dog publié en 1984, il explique : « Lorsque je plonge au plus profond de ma mémoire visuelle, le paysage d’un jour d’été lointain ressuscite et me revient. Est-ce une arrière-cour vue depuis la fenêtre ? Des formes indistinctes d’arbres et de maisons sont fixées sur la plaque enduite d’asphalte. Leurs contours sont presque effacés, la lumière et l’ombre voltigent et se confondent dans une atmosphère granuleuse, l’image a l’air fossilisée. Ce paysage d’un jour d’été date d’il y a exactement cent cinquante-sept ans, il est apparu sous les yeux d’un chimiste du nom de Nicéphore Niépce, qui habitait Saint-Loup, un village retiré de France.
C’est la première « photographie » au monde. Bien évidemment, je n’ai pas été directement témoin de cette scène. J’ai découvert cette image dans un album photo il y a une dizaine d’années. » Les photographies des années 1980 publiées dans le livre Lettre à St Loup en 1990, sont pour Daido Moriyama « une réminiscence du paysage de Saint-Loup-de-Varennes, un lieu sacré, et un hommage personnel à Nicéphore Niépce, sans qui les photographies n’existeraient pas dans ce monde ».
 
Lorsqu’il se rend en 2008 en Bourgogne, il effectue un pèlerinage sur les traces de l’inventeur. Chalon-sur-Saône, sa maison natale, sa statue, ses réalisations conservées au musée, son appareil. Puis Saint-Loup-de-Varennes, le monument qui lui est dédié, et enfin sa maison. « Dès que je me suis retrouvé face à ce paysage, les images d’ombre et de lumière de la photographie iconique de Niépce ont commencé à se substituer au paysage réel devant mes yeux et, soudain, j’ai eu la sensation de voir à travers les yeux de Niépce. » Les photographies de la série View from the laboratory  réalisées lors de ce voyage sont pour lui un moyen irréfutable d’être lié à l’inventeur, une façon de valider son existence en tant que photographe. Daido Moriyama finalise ce cheminement personnel et créatif en 2015. Il met à profit un voyage aux Etats-Unis pour aller voir Le Point de vue du Gras «de [ses] propres yeux». La photographie conservée au Harry Ransom Center, Université du Texas à Austin, est difficile à observer. La plaque d’étain réfléchit, les contours des objets sont quasi invisibles. Mais pour le photographe cela importe peu ; après tout cette image est déjà gravée de manière indélébile dans sa mémoire.

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